Animateur
: Liliane
Bodson
Participants : Robert
Delors, Christian Abry, Geneviève Carbone, Gille
Le Pape, Sylvain Menoud et Michel Pastoureau
Aujourd’hui, si l’on se fonde sur le témoignage
des habitants du Mercantour ( région où
le loup est de nouveau présent depuis quelques
années ), il n’existe pas une peur du loup chez
l’homme. Celui-ci redoute surtout ce prédateur
pour les menaces qu’il fait peser sur le bétail.
Il est assez couramment admis que le loup, seul, n’attaque
pas l’homme. En revanche, les attaques par les meutes
peuvent exister. Le phénomène de groupe
va alors jouer ( comme chez l’homme…). Cependant,
il y a tout de même une crainte diffuse. La peur
du loup est encore très présente dans l’imaginaire
collectif. L’homme a une peur à géométrie
variable : une attaque d’un chien errant qui tue 10 brebis
sera toujours moins gravement ressentie qu’une attaque
d’un loup qui tue le même nombre d’ovins !
La
Bête du Gévaudan joue un rôle marquant
dans l’imaginaire collectif. Près de 20000 hommes
participèrent à la battue ordonnée
par le roi. La Bête ne fut jamais prise. Le mystère
reste donc entier. Cela représente un véritable
traumatisme pour la population. C’est aussi la raison
pour laquelle cette histoire reste toujours aussi présente
aujourd’hui. Il règne autour du loup une atmosphère
de mystère. Il vient, frappe, et disparaît
! Comme la Bête du Gévaudan. 2 siècles
plus tard, on retrouve la même polémique
à propos du loup dans le Mercantour. Les bergers
accusent des " irresponsables " d’avoir clandestinement
réintroduit le loup. Les scientifiques et les zoologues
penchent, pour leur part, pour une réintroduction
naturelle par la migration de loups venant d’Italie…
La peur du loup est véhiculée surtout par
l’assimilation à la bête enragée.
Sous le 1er Empire, des primes d’abattage, d’un montant
élevé, sont attribuées ( avec des
vérifications sévères des autorités
pour éviter que la même dépouille
" serve " plusieurs fois…). Elles permettent
de faire abattre plus de 2 500 loups. Sur ce nombre, 30
loups environ furent effectivement identifiés comme
porteurs de la rage. Les experts pensent qu’un loup enragé
peut mordre et donc contaminer entre 5 et 30 personnes.
La ½ va décéder ( d’ailleurs dans
des souffrances terribles qui augmentent encore la peur
des autres ). Cette peur du loup enragé qui attaque
effectivement l’homme contribue à perpétuer
la peur et la crainte envers cet animal ( même si
l’on sait qu’un renard ou un chien enragé se comporte
également de façon très agressive
et sans la moindre capacité d’être maîtrisé
sauf à être abattu ! ).
Au XIX° siècle , l’image du loup se modifie
peu à peu. Le loup devient un personnage romantique.
C’est le solitaire, fier et courageux, qui sait mourir
noblement après avoir combattu durement :
"
Nous avons aperçu les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
"
A. DE VIGNY, la Mort du loup.
On
s’éloigne ( un peu ) de l’image de la bête
sanguinaire et surtout, on n’assimile plus le loup à
ce simplet d’Isengrin qui se fait " avoir "
par les boniments du Goupil dans le Roman de Renard…
Kipling fait du loup un personnage central de Mowgli,
renouant ainsi avec le mythe de Romulus et Remus allaités
par une louve. Plus tard, le mouvement scout dénommera
les plus jeunes adhérents sous le nom de "
louveteaux ".
Pour
autant, le loup reste encore longtemps un animal assimilé
au Diable. Le Christ est le berger de son troupeau, le
pasteur qui guide et protège ses ouailles ( vient
du latin ovis : brebis…). Le Diable attaque le troupeau…
le parallèle est trouvé.
Philippe
Gouesmel